présenté par Eniada Cela, Swann Beloeil, Zoé Le Menn

 

Clara Daguin est une jeune designer française qui se démarque par ses créations, de réelles œuvres d’art au cœur desquelles se cachent de nombreux mécanismes en tout genre : leds, capteurs de température, câbles…Ces vêtements, que la créatrice qualifie elle-même volontiers d’ «objets spéculatifs», visent de par leur nature hybride, à interroger le spectateur sur le monde de demain ou encore sur le rapport entre corps et machine. Ces confections, au-delà d’être de banals produits vestimentaires, constituent de fait de réelles expériences multisensorielles et philosophiques, à la fois pour le spectateur et celui qui les porte. 

 

En 2020, la designer dévoile le mystérieux projet «triptych». Constitué de deux tenues principales et décrit de la manière suivante : «Triptych is the story of a change in points of view», ce travail est une nouvelle invitation à réfléchir sur le monde de demain, au travers le prisme de la surveillance.

 


1. L'importance de la surveillance

La pièce centrale de la collection s'intitule "The Continuum Bomber Jacket", le terme continuum désignant en physique un "espace qui n'est pas interrompu".

Il s'agit ici d'un bomber oversize bleu sur lequel sont fixés des circuits blancs. La particularité du bomber réside dans sa capacité à s'allumer en réaction aux mouvements environnants grâce à un ensemble de leds et à un capteur de mouvement à 360°.

Clara Daguin rend donc ce vêtement capable de percevoir tout ce qui l'entoure à la ronde, et de réagir en retour. Cette veste-machine peut donc nous voir, nous surveiller. Elle apparaît omnisciente, rien ne peut lui échapper.


La notion de surveillance est par ailleurs fortement amplifiée par la présence de 120 yeux disséminés sur la tenue et provenant d'anciennes poupées de porcelaine, ce qui donne l'impression d'être observé de toutes parts. Avec Triptych, Clara Daguin nous fait remettre en perspective la façon dont la technologie moderne peut être utilisée comme moyen de surveillance (caméras de sécurités, hacker...).

En outre, la mise en scène presque prophétique du clip promotionnel semble annoncer à travers ce bomber intelligent l'avènement d'une ère nouvelle, alors que le mannequin paraît léviter.


2. Flux d'énergie


Une des caractéristiques principales des tenues de la collection "Triptych" reste sans aucun doute leurs ornementations circulaires. Qu'il s'agisse des circuits de leds du "Bomber continuum" ou bien de la structure même du bomber secondaire (observable à droite), chaque tenue semble dotée du même système décoratif courbé. Clara Daguin explique tirer ses inspirations des autoroutes, ce qui évoque les flux d'énergies, les réseaux et les mouvement.

 

 

Ces flux d'énergie sont à la fois présent chez les hommes, à travers l'énergie corporelle ou encore l'énergie spirituelle, mais également chez les machines, qui nécessitent pour la plupart des apports en électricité  afin de pouvoir fonctionner correctement.

 

Les courbes du bomber secondaires sont placés de telles sortes que lorsque l'on croise les bras, la configuration des flux se modifie, comme si c'était l'énergie elle-même qui s'altérait.



3. La technologie pour donner vie à l'art

Quel meilleur outil pour interroger la technologie que la technologie elle-même ? Ici Clara Daguin, experte du e-textile, a recourt à un capteur de mouvement pour mieux approfondir sa réflexion. Ce dernier transmet l'information aux leds incrustées sur le "bomber continuum" : plus il y a de mouvement, plus les lumières sont nombreuses et de forte intensité. Ainsi, loin d'un simple réflexe, le bomber est capable de traiter une information extérieure en une réponse complexe. Avec l'usage de la technologie, Clara Daguin donne vie au vêtement, qui communique  ici par signaux lumineux avec ce qui l’approche. 


Cela donne l'impression d'avoir pénétré un monde parallèle ou les machines sont déjà les compagne des humains.  Cette animation du vêtement, objet d'ordinaire inerte, peut se lire comme une métaphore de notre monde moderne : alors que les machines prennent vie,  les hommes en sont de plus en plus dépossédés. Pour confectionner ces tenues, Clara Daguin et son équipe ont recours à la broderie. Ainsi, le travail de broderie et d'électronique est ici réalisé en simultané. Les tenues de la collection Triptych contiennent 376 leds, et 8 circuits. Pas moins de 960 heures de broderie auront été nécessaires pour assembler le tout.




4.Des choix esthétiques immersifs

Pour immerger d'avantage le spectateur dans son univers, Clara Daguin a fait des choix réfléchis de couleurs et de matières : l'usage de matière réfléchissante pour le bomber secondaire permet d'évoquer efficacement les flux d'énergie. En outre, toutes les tenues sont faites de tissus légèrement transparents, laissant entrevoir les corps sous les câbles, l’être humain qui refuse de disparaître sous la machine, qui résiste. C'est aussi une fenêtre sur l'intime.


Les couleurs sont quant à elles exclusivement froides allant du bleu clair au bleu marine ce qui évoque efficacement l'artificialité, l'univers électronique, les robots, les machines.


Sources :

https://www.claradaguin.com/triptych 

https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/aerial-view-highway-overpass-city-on-1012975243

https://www.tissumarket.com/tissus-au-metre/soie/mousseline-de-soie/mousseline-de-soie-bleu-de-france/

https://youtu.be/2DvQbzFAsSc?si=9NNkgz_-bmsab9eZ